Hubris - «Les défautes ne sont que des qualités données aux mauvaises personnes.»

La fin justifie les moyens?...
Une jeune chatte au pelage beige-orangé venait de mettre bas. Cela pourrait être bien simple et banal, mais cette chatte était très jeune, très inexpérimentée, et dire qu'elle se fichait bien de l'avenir de ses petits était peu dire. Elle était tombée amoureuse d'un guerrier de son Clan, mais jamais elle n'avait voulu de petits. Elle mis au monde deux femelles, deux jumelles se ressemblant traits pour traits, deux petites liées par le sang et par l'âme. Petit Camélia et Petite Immortelle.

Esprit Lointain, leur mère rêveuse et indifférente, s'occupait d'elles avec le strict minimum. Pas une once d'instinct maternel.
Mais les deux petites n'avaient pas besoin d'elle, elles s'aimaient, elles étaient deux, deux et le monde n'était qu'une entité seule pour elle. D'un côté Elles, de l'autre les autres. D'un côté le bonheur et l'amour fraternel, et de l'autre les disputes et les rêves insensés de leur mère, remplis d'un amour qu'elle ne leur donnait pas.

«- Maman...
- ...
- Maman!... Camélia est malade.
- Ne t'en fais pas, ça va passer... Laisse-moi...
- Maman... »

La voix tremblante, Petite Immortelle jeta un regard curieux vers sa sœur dont la toux ne faisait qu'augmenter.
Le lendemain, la guérisseuse survint. Le mal vert. Petite Immortelle ne comprenait pas le sens de ces simples mots. Ce fut le trou noir. Tout était passé si vite, l'équilibre du petit monde de Petite Immortelle était brisé. Petit Camélia n'était plus. Elle s'était envolée aussi vite qu'un papillon effrayé par un chaton.

« Ne t'en fais pas, Camélia... Je t'ai, toi. »

Une haine sourde et sans limite naquit dans le cœur de la petite chatte le jour où sa mère prononça cette phrase. Comme si la vie de sa sœur n'avait jamais eu aucun sens. Qu'est-ce qu'un simple chaton, face à un Clan de valeureux guerriers, ou de vétérans, ou d'apprentis courageux et persévérants? Sa sœur n'était rien pour les autres, et tout le monde l'oublia. Sauf elle, Immortelle. IMMORTELLE.
Des larmes montèrent aux yeux de la petite chatonne. Elle haïssait sa mère. Cette chatte qui l'avait confondue avec sa sœur jumelle. Mais tant pis, elle garderait ce nom. Tant pis, elle deviendrait sa sœur. Ou plutôt sa sœur et elle ne ferait qu'un, maintenant.

Et puis, il y eu Coma. Quand Camélia -la nouvelle Camélia, autrefois Immortelle- le vit pour la première fois, c'était en compagnie de sa sœur. Mais depuis la mort de celle-ci, une curiosité étrange était née en elle à chaque fois qu'elle le voyait. Peut-être que la mort de sa jumelle n'avait pas été vaine?...
Coma avait un souffle au cœur, depuis un accident qu'il avait eu peu après la mort de Camélia. Coma. Un accident dont il s'était réveillé, lui...
Une relation étrange avait alors commencé à lier les deux chatons.



« Tu chiales comme un gosse, Coma.
- Je suis un gosse, ça tombe bien. »

Camélia haussa les sourcils. Quelle réaction étrange. Elle aurait voulut ne rien répondre et partir, et observer le chaton de loin. Mais celui-ci poursuivit.

« Miss haute-comme-deux-pommes me fait la leçon ?
- On dit comme trois pommes.
- C'est pareil. Ça veut toujours dire que t'es minus !
- Je grandirais, d'abord !
- Ouais ouais, on dit ça, on dit ça ... »

Cela lui plaisait bien...

« Camélia, me soûle pas.
- Tu te débarrasseras pas de moi comme ça, tu sais Coma ?
- Arrête de m'appeler Coma !
- Plus tu dis que ça te déplaît, plus j'aime t'appeler comme ça. »

...Cela l'amusait...

« T'es juste chiante, Camélia.
- Faut croire. »

Petit lagon le leva et tourna le dos à la chatonne, avant de lui tirer la langue d'un air résolu et vengeur.
... Elle se promit de recommencer.

Mais Petit Lagon n'était définitivement pas comme elle. Tandis qu'elle s'entraînait vainement pour devenir guerrière, afin de surpasser sa mère et lui prouver sa valeur, celui-ci semblait plus indifférent. Cela agaça un peu Camélia, surtout quand elle passa guerrière avant lui. Elle ne se retint pas pour lui être désagréable, mais ce qui la mettait la plus hors d'elle, c'est que maintenant elle le voyait beaucoup moins souvent.
Mais tout rentra dans l'ordre, et l'odeur du mâle se mêla bientôt à celle des autres dans la tanière des guerriers.


« Coma ! »

Camélia venait de poser une perdrix sur le tas de gibier, qu'elle n'avait pas eu l'appétit de manger, quand elle avait aperçut une tache de fourrure familière entre les branchages. Elle rejoignit la mâle en dehors du camp, la tête haute.

« Quoi encore ?
- Qu'est-ce que tu fais ?
- Ca se voit pourtant !
- Bah non. Sinon, je te le demanderais pas.
- Je me casses.
- Pour de bon ?
- Non.
- Mince alors.
- Allez, ferme-la.
- Je viens avec toi.
- Non.
- Okay, c'est confirmé : je viens avec toi. »

Elle avait appris à la connaître, et l'expression qu'elle avait vu sur son visage la poussait à vouloir le suivre. Elle le suivit donc, l'observant tout le long du chemin, sans le voir.
Elle était devenue une autre chatte, maintenant, et toutes les futilités auxquelles elles s'accrochaient autrefois avaient disparus. Ni Immortelle, ni Camélia. Pour lui, elle était Hubris. Elle n'avait pas vraiment donné d'objection le jour où il l'avait affublé de ce surnom -enfin si, mais pour la forme-, mais quelque chose avait changé en elle. Un nouveau monde était né, et les cendres de celui d'Immortelle et de Camélia s'était déjà envolées très loin. Le monde de Coma et de Hubris, auquel personne n'avait accès et d'où eux-même ne pouvait sortir.
Mais qu'importe? Ces chats-là n'étaient pas faits pour vivre dans le monde des autres.
Hubris brisa le silence.

« On va où ?
- Tu verras.
- On va où ?
- Mais ta gueule ! »

Elle ne répondit pas, mais quand elle leva la tête pour voir pourquoi l'autre s'était arrêté, elle fronça les sourcils.
Le Chemin du Tonnerre.
Elle voulut poser des questions, mais Lagon s'était élancé. Il s'était élancé, donc elle s'élança, sans réfléchir. Mais ce saut n'avait pas été calculé pour deux.
Noir. Des rêves flous. Une chatte au visage similaire au sien lui hurlant "Imposteur", un chat au pelage sombre courant sur une ligne d'asphalte, un cri, des appels. La voix de Coma.

« Ca va ?
- Comme un chat écrasé.
- Ahaha, ton sens de l'humour ne t'a pas perdue, à ce que je vois. »



Tout s'était arrangé, Coma lui avait sauvé la vie. Il avait appelé de l'aide, vite et bien, un véritable sang-froid visiblement. Une cicatrice rose et très visible reposait maintenant sur le flanc de Hubris, comme une griffure géante. Ce n'était pas une blessure courante pour une accidentée de Monstre, à croire que celui-ci avait voulut l'avaler. Elle ne pourrait plus jamais courir aussi vite qu'avant, ça non. Mais dans cette blessure Hubris voyait le pacte né entre Coma et elle, comme un signature ineffaçable qui les lierait pour toujours.
Sa mère était passé la voir dans la tanière du guérisseur, lui avait soufflé des mots gentils, vides, sans intérêt.

« Ne te force pas. » avait répliqué sa fille d'une voix froide.

Je ne suis plus aucune de tes filles, maintenant, je suis Hubris. Tu as réussi ton coup, maman.


« Vient, Hubris. On se casse.
- Où ?
- Loin. »

Juste ça. Il était venu vers elle dans la tanière, l'air de rien, avec sa moue habituelle. Elle avait préparée un sarcasme cinglant à lui sortir, mais pas que lui lui sorte ça.
Elle se leva lentement, et ne répondis rien. Un sourire étira ses lèvres, et elle sortit de la tanière, comme si elle attendait ce moment depuis très longtemps.
Paradoxal.
Coma et Hubris allaient créer leur propre monde, pour de bon.

« Il était temps. »